1000/1200 cc 180°

Avertissement au lecteur: Les renseignements qui sont donnés ci-dessous concernent les différents types de 1000 et 1200 Laverda dans leur globalité. L’usine utilisait toutefois de façon occasionnelle mais assez récurrente des pièces différentes dans une même série notamment en fonction des aléas d’approvisionnement de la part des sous-traitants. Il n’est donc pas rare que des motos d’une série ultérieure aient été équipées d’éléments moteur ou chassis d’une série plus ancienne, ou que deux motos d’une même série soient légèrement différentes, cela n’étant en aucun cas une preuve de non originalité du modèle.

Photos soumises à copyright (Usine Laverda, Famille Laverda, G. Sperotto, JL Olive, reproduction interdite sans autorisation des propriétaires des droits)

Les prototypes et machines de pré-série (1969 – 1972)

Deux prototypes majeurs ont été produits en 1969 et 1970.

Les travaux de conception du premier prototype commencèrent en Novembre 1968 et l’exemplaire lui-même est construit début 1969. C’est une extrapolation flagrante de la 750 twin à laquelle on a rajouté un cylindre pour atteindre une capacité (exceptionnelle pour l’époque) de près de 1000 cc. En conséquence, le moteur est un simple arbre à cames en tête, avec trappes de visite pour le réglage des culbuteurs, et même les carters latéraux rappelle ceux de la 750. Le chassis reprend également des équipements de la bicylindre, notamment les suspensions et les freins Grimeca. Le calage est alors classiquement à 240° (manetons à 120°) et l’allumage est à rupteurs, mais il est évident que ce premier modèle méritait un vrai développement car le moteur et les équipements de la partie-cycle étaient manifestement trop rustiques pour le haut de gamme de la marque. Au niveau du moteur, il fallait faire face à un rendement moyen du fait notamment de l’inertie des pièces en mouvement, à des problèmes thermiques sur le cylindre central et également à des contraintes mécaniques importantes sur un vilebrequin très long et à cause de l’entraînement latéral de la distribution.

L’usine se lança alors fin 1969 dans la conception et la construction d’une deuxième prototype (qui a évolué au moins deux fois de façon majeure) dont l’amélioration principale concernait la culasse puisque ce nouveau moteur était un double arbre à cames en tête, alors entraîné par courroie crantée. Ce modèle fut l’objet des essais les plus intensifs dont on tira rapidement toutes les conséquences: Alors que le calage restait tout au début à 240°, il fut l’objet de casses répétées des roulements et il transmettait des vibrations désagréables (fourmillements) à la partie-cycle. Il faut se souvenir que des vilebrequins de cette longueur étaient alors très rares et que leur équilibrage sur un moteur 3 cylindres était un vrai casse-tête car il est impossible d’opposer les forces respectives des pièces en mouvement, sauf à les compenser par un complexe et coûteux système d’équilibrage, dont l’inconvénient supplémentaire aurait été d’élargir encore un peu plus le moteur. Les contraintes oscillatoires qui s’ensuivirent eurent rapidement raison des roulements de l’époque, alors même que la 750 contemporaine avait elle aussi quelques soucis de ce côté sur les premiers modèles.
Le responsable technique Luciano Zen décida donc de créer des conditions plus favorables à une opposition des pièces mobiles grâce à un calage inédit qui est en fait une combinaison des calages à 360 et 180°, les deux pistons latéraux étant alignés et opposés au piston central. On obtient ainsi un cycle de type 180/180/360 (au lieu de 240/240/240 pour les 720° nécessaires au cycle complet) qui permet d’éviter les contraintes oscillatoires alternatives sur l’équipage mobile et qui autorise le montage rigide dans le cadre. Au niveau du comportement dynamique, le rapprochement des deux premières explosions donne un effet « big bang » qui doit par contre compenser l’inertie du 3ème. Cette solution favorise les sensations et le couple à mi-régime à la condition que la mise au point soit particulièrement soignée, à défaut de quoi le moteur perd sa puissance et devient rugueux, victime de l’inertie du 3ème cycle qui ne peut plus être compensée correctement.

Ce deuxième type de moteur est d’emblée équipée d’une distribution à entraînement par courroie crantée, solution avant-gardiste en 1970. Cette courroie devant travailler dans de bonnes conditions (hors huile mais sous carter) et devant pouvoir être remplacée facilement pour la maintenance régulière, elle fut placée en position extrême droite, contre la face externe de la culasse et du cylindre droit. L’esthétique du carter de courroie était discutable mais la courroie en elle-même s’avèra parfaitement fiable durant les essais. En revanche, il y eut des problèmes liés à l’allongement du vilebrequin, qui devait entraîner en position de porte à faux toute la distribution et l’alternateur, sans réelle possibilité d’ajouter un palier supplémentaire. Un autre souci concernait le refroidissement de la culasse côté droit, la surface ailettée étant réduite et partiellement masquée à cause du carter de courroie.
La solution d’un entraînement par chaîne centrale fut donc adoptée sauf qu’on passa à une chaîne simple (duplex sur les 750) pour conserver l’allègement que le système double arbre en tête autorisait. Parallèlement, la culasse évolua grandement jusqu’à sa version définitive. Les travaux de mise au point purent commencer, jusqu’à obtenir une puissance de 80 cv à 7250 T/M, qui en faisait l’une des superbikes du moment.

La pré-série (1971)

Entre le deuxième et dernier prototype et le début des velleités de production en grande série, il y eut au moins deux motos de pré-série: La première a parfois été appelée « 3ème prototype » parce qu’elle reçu des modifications importantes, notamment au niveau de la culasse, et la deuxième (quasiment identique) a été construite à des fins de test de marché (en l’occurrence du marché américain puisque les premières motos étaient destinées à ce marché). Cette dernière a échappé à la numérotation dans la série du type. Cette moto a été produite en Mai et Juin 1971 et, alors que la série allait commencer de façon traditionnelle avec le n° 1001, elle fut numérotée « 001 ». On ne sait pas si cette numérotation était uniquement à but d’homologation aux USA ou si c’était pour différentier les deux premières machines de pré-série. Aucune information fiable n’a pu être trouvée quant à la numérotation éventuelle de l’autre machine.

Ces motos sont intéressantes car elle ont été équipées à la fois de pièces qu’on retrouvera sur les modèles de série et aussi de pièces spécifiques. Il en est ainsi par exemple du guidon à angles vifs ou encore du carter d’alternateur qui provient du 2ème prototype. La photo ci-dessous montre la n° 001 il y a une dizaine d’années, certains éléments ne sont pas d’origine (échappements, selle) mais on peut encore voir le guidon spécial, le réservoir en polyester, le carter primaire sans nervure et le numéro de série tout à fait spécial sur le carter moteur.

La présentation officielle en 1971

La mise au point de cette moto fut plus longue que prévue, Massimo Laverda voulait une machine aboutie, seul moyen de ne pas trop subir la rude concurrence imposée par la sortie de la Honda 750 Four peu auparavant. Mais le travail était tel que les tous premiers exemplaires ne furent terminés qu’en Octobre 1971 (notamment pour le salon de Milan en Novembre) et qu’il fallut attendre fin Août 1972 pour que la production en série de la version définitive commence vraiment.

Voici quelques photos de l’exemplaire qui fut dévoilé au salon de Milan en Novembre 1971, ces clichés ont été pris une semaine avant l’ouverture du salon, à l’occasion de la visite de l’importateur Laverda en Suède, Hans Blomqvist.

La version provisoire de 1972

Après le salon de Milan, les essais continuent activement et la moto est améliorée petit à petit. A partir de fin Août 1972, l’usine construit de façon artisanale (on est encore dans l’ancienne usine et les outils de production de la 3 cylindres ne sont pas encore disponibles, prévus pour être installés dans la nouvelle usine qui ouvrira ses portes en Février 1973) une première série de 43 machines, empruntant la majeure partie des équipements des machines de pré-série, notamment le réservoir polyester, la clé de contact en position latérale et l’échappement 3 en 1.

La photo ci-dessous montre l’une de ces machines, présentée à la presse et à des concessionnaires de la marque par le pilote testeur d’usine Fernando Cappellotto. La moto est toujours équipée du 3 en 1 et du réservoir polyester, mais elle dispose déjà du carter d’alternateur de la version définitive et (invisible sur la photo) d’un contacteur à clé entre les deux compteurs.

Fernando Cappellotto en démonstration de la nouvelle 1000 3 cylindres

Pour diverses raisons liées notamment au retard de la nouvelle usine, mais aussi à des problèmes de disponibilité de certaines pièces (réservoirs polyester) et d’homologation dans certains pays, ces motos sont mises en attente de décisions définitives pour le choix des équipements. Au mois de Mars 1972, l’usine commande des réservoirs en acier et de nouveaux échappements 3 en 2, ces matériels seront livrés en Juin, toutes les motos définitives en seront équipées y compris les 50 machines précitées.

En Juin 1972, à titre de test, l’usine engage une 1000 en Open Class International au Trophée Steiemark en Autriche. Pilotée par Augusto Brettoni, avant même sa commercialisation, hâtivement équipée d’un habillage racing empruntée à la 750 SFC, la 1000 Laverda remporte cette épreuve malgré une concurrence redoutable (Honda 750, BMW, triples anglais).

Fin Août 1972, la première 1000 3 cylindres de série sort de l’usine sous sa version définitive composée notamment d’un gros phare Bosch 200mm (non H4), d’un échappement 3 en 2, d’un réservoir acier, de suspensions Ceriani et des freins à tambour Laverda 2ème génération.

Cette première série est manifestement sous équipée avec sa petite fourche et ses freins à tambours et la nouvelle usine tarde à ouvrir ses portes, donc Laverda ne se presse pas pour accélérer la production de sa 1000. De fait, ce seront à peine 200 exemplaires qui seront vendus en attendant une version beaucoup plus évoluée qui sera commercialisée (cette fois-ci depuis la nouvelle usine) en 1974.

Parallèlement, l e Directeur technique Luciano Zen met à profit la période transitoire d’attente d’ouverture de la nouvelle usine pour moderniser la machine et prévoir sa production en grande série, qui n’arrivera de fait qu’au 2ème semestre de 1973.

Il affina également le concept de la machine de course après Zeltweg afin de présenter la 1000cc au Bol d’Or au Mans en Septembre 1972. Cette course était décisive pour la marque car d’une part le Bol d’Or avait une forte réputation et permettait d’envisager une bonne promotion, et d’autre part Laverda avait terminé 2ème de l’édition précédente avec la 750 SFC. Même s’il avait gagné à Zeltweg en Juin avec la 1000, Augusto Brettoni insista pour courir avec la 750 SFC, soucieux de rééditer l’exploit de 1971, voire de l’améliorer. L’usine confia donc le guidon de la 1000 aux pilotes Melody et Cash qui lui avaient été présentés par l’importateur anglais Slater.
En course la moto s’avèra rapide malgré une préparation très limitée (moteur quasiment de série, surélevé dans le cadre pour accroître la garde au sol) et fit partie des meilleures machines, mais un souci de sélection de boîte de vitesses l’obligea à abandonner à la 5ème heure.

Les mois qui s’ensuivirent furent intégralement consacrés au déménagement dans la nouvelle usine et à l’installation et réglages des outils de production, tant pour la 750 que pour la nouvelle 1000.