1000cc 120°
Avertissement au lecteur: Les renseignements qui sont donnés ci-dessous concernent les différents types de 1000 et 1200 Laverda dans leur globalité. L’usine utilisait toutefois de façon occasionnelle mais assez récurrente des pièces différentes dans une même série notamment en fonction des aléas d’approvisionnement de la part des sous-traitants. Il n’est donc pas rare que des motos d’une série ultérieure aient été équipées d’éléments moteur ou chassis d’une série plus ancienne, ou que deux motos d’une même série soient légèrement différentes, cela n’étant en aucun cas une preuve de non originalité du modèle. Photos soumises à copyright (Usine Laverda, Famille Laverda, G. Sperotto, JL Olive, reproduction interdite sans autorisation des propriétaires des droits)

3ème partie: La 1000cc 120° de 1982 à 1989

La Jota 120 : Pressée par des normes de bruit toujours plus restrictives, confrontée à une clientèle de plus en plus axée sur les standards imposés par les motos Japonaises, contrainte de faire face à une grosses cylindrée vieillissante en dépit de ses performances et de sa refonte réussie de 1981, l’usine Laverda se doit de prévoir un nouveau modèle haut de gamme en remplacement de sa 3 cylindres. Le problème, c’est qu’elle doit pour cela investir alors même que les finances de l’usine sont dans une situation critique à la suite notamment des incidents techniques de 1979 et des investissements à fonds perdus des projets de la 1000 V6 (stoppée en plein développement à cause du changement de réglementation de la FIM) et du véhicule 4X4 en réponse à l’appel d’offre du gouvernement italien. Cette période correspond également avec le départ à la retraite du Directeur Technique Luciano Zen, pilier de l’entreprise depuis les tous débuts en 1947 et créateur de tous les modèles mythiques de la marque. L’usine recrute alors Giuseppe Bocchi, ingénieur qui avait travaillé notamment pour le secteur course de MV Agusta, lequel arrivera avec des idées nouvelles, résolument axées sur les tendances moto du début des années 80, mais hors de portée des finances de l’entreprise…

Massimo Laverda imposa donc le cahier des charges basé sur une extrapolation du moteur 1000cc à 3 cylindres, de façon à le rendre plus conforme à la mode du moment qui préférait la docilité de fonctionnement aux performances pures.
Afin de rendre ce moteur moins brutal, Bocchi ré-envisagea le calage classique à 120° du moteur 3 cylindres. Bien entendu, les contraintes relatives à l’équilibrage restaient inchangées, le moteur ne pouvant supporter l’ajout d’un système de balancier sans une profonde refonte. Le travail consista donc à reprendre les grandes lignes de la Jota de 1981 (allumage à gauche, alternateur 250W, nouvelle BV avec sélecteur à gauche, nouvel embrayage, nouvelle culasse) et à le doter d’un vilebrequin calé à 120°, la lutte contre les vibrations étant confiée à des silent-blocks interposés entre le moteur et le cadre, ainsi qu’à des roulements spéciaux de vilebrequin. C’était donc une solution intermédiaire, malheureusement dictée par l’économie, mais qui s’avéra globalement satisfaisante puisque la fiabilité n’a pas été mise en défaut dans le temps. Parallèlement des nouveaux arbres à cames (baptisés F1) furent montés, bien que certaines de ces nouvelles machines étaient équipées d’ arbres 4C, voire très rarement de profils A11. La puissance du moteur 120° était strictement identique à celle du moteur 180° de base soit 80cv. En attendant l’aboutissement stylistique de la nouvelle 1000, qui était en cours, l’usine décida d’installer le nouveau moteur à 120° dans une machine très proche de la Jota 180° de 1981. La carrosserie, le cadre, les roues, tout était quasiment similaire à la Jota 180 sauf que le moteur était fixé dans le cadre via des gros silent-blocks. Cette moto fut appelée la « Jota 120 », surnom qui n’était pas usurpé tant elle ressemblait à la Jota 180 de 1981, produite à 400 exemplaires. Le nouveau moteur changea radicalement le comportement et le caractère de la Jota: Tout était différent, il était incontestablement plus docile, plus polyvalent, plus linéaire, les vibrations étaient différentes (davantage sous le forme de fourmillements), bref plus conforme aux standards Japonais des années 80. En conséquence, le moteur 120 attira autant de nouveaux clients habitués aux productions contemporaines usuelles qu’il repoussa les amateurs de la Jota 180 originelle pour qui sportivité et caractère étaient l’identité même de la marque… 30 ans plus tard, le débat est toujours ouvert!
Mais la Jota 120 fut aussi l’objet de critiques pour ses qualités routières, fait nouveau pour une Laverda. Son moteur étant monté souple, il ne contribuait plus à la rigidité du cadre, ce qui créait quelques louvoiements en courbes à grande vitesse. La Jota 120, très proche de la Jota 180 de 1981 au calage du moteur près. Cette photo montre le modèle de pré-série, le définitif aura un sigle « Jota 120 ».   Le moteur est monté dans le cadre via de gros silent-blocks. Le temps que la Jota 120 fut distribuée et l’étude de style de la nouvelle Laverda 1000 était quasiment aboutie. Si le moteur n’avait pas pu être fondamentalement nouveau, l’usine tenait à ce que le style général de la machine soit avant-gardiste et en décalage par rapport à la concurrence. L’étude fut confiée à un bureau de style Romain, RG Studio, qui avait déjà dessiné le projet de la Morini 500 turbo. Le but était de concevoir une machine particulièrement aérodynamique sans entacher l’identité de la marque, ce qui n’était pas chose aisée quand on sait que l’allure de la 1000 Laverda était ancrée dans les esprits depuis déjà plus de 10 ans. RG Studio réussit pourtant cete exploit avec un design « bio » plutôt avant-gardiste et singulier, qui ne laissait pas de doute cependant sur l’origine Breganzienne de la mécanique.
La moto intégrait aussi audacieusement quelques éléments clairement inspirés de la production automobile comme le tableau de bord ou encore une trappe pivotante dans le carénage pour faire le plein de carburant…
La carrosserie était construite en matière composite spéciale indéformable appelé Bayflex, utilisé là encore par certaines productions automobiles.   Le pénultième prototype de la RGS. La filiation avec la Morini turbo est encore plus évidente que sur le modèle définitif. Là encore, la RGS (qui emprunta les initiales du bureau de style) fit débat parmi les Laverdistes, créant un mélange de plaisir de voir un nouveau modèle arriver, doté de surcroit d’un design original et d’un très bon niveau de finition, et en même temps un sentiment partagé quant à la nouvelle image de la marque, qui laissait délibérément de côté le statut de moto « pure et dure » pour une ambiance franchement plus feutrée… Mais au moins un aspect aidera au lancement de la RGS, la moto était confortable et était particulièrement à l’aise pour les longs trajets, y compris autoroutiers. Sur ce plan, Laverda réussit son pari en parvenant à adoucir complètement son triple, passant de la moto sportive et exclusive à la moto confortable et routière tout en conservant les mêmes bases moteur. Le moteur restait strictement celui de la Jota 120 avec des arbres à cames F1 de série. Les suspensions étaient nouvelles, avec des tubes de fourche (Marzocchi 38 toujours) plus longs et des amortisseurs AR à bonbonnes séparées. Le cadre était entièrement nouveau pour compenser les faiblesses de la Jota 120, avec notamment une épine dorsale considérablement renforcée, composée de 3 tubes jointifs. Malgré cela, ce cadre ne fut pas exempt de quelques problèmes de fissuration autour de la colonne de direction, ce qui incita l’usine à prévoir un peu plus tard un kit de renforts à souder. Le système d’échappement se voulait dans les normes de l’époque, c’est à dire très étouffé mais néanmoins efficace. L’un des points faibles majeurs de la RGS était son éclairage, le phare d’origine automobile (Fiat 127) étant insuffisant, contrastant avec le haut niveau de finition de l’ensemble de la moto.   la RGS en version de pré-série. Les rétroviseurs et les roues seront différents sur la version définitive.   La RGS dans sa version définitive La RGS avait certes l’attrait de son originalité et de son niveau de finition, mais elle restait chère. L’usine proposa donc dès 1983 une version dépouillée, appelée RGA, démunie du carénage (un simple tête de fourche était monté) et dotée d’un réservoir classique à bouchon en partie supérieure. Si la baisse du prix qui s’en est ensuivie n’a pas pour autant gonflé les ventes, certains importateurs ont joué de malice en équipant la RGA d’équipements originaux, comme par exemple la RGA Jota ou surtout la RGA Sprint, équipée d’un très joli carénage à double optique. Ces formules spéciales permettaient d’acquérir une machine désirable à un prix moindre par rapport à la RGS.   La RGA, version économique de la RGS.   La RGA Sprint avec son carénage double optique élégant. En 1984, profitant d’une commande spéciale par le gouvernement Syrien (dans le cadre d’un accord inter-gouvernemental) de 100 machines basées sur la RGS, destinées aux forces de Police, l’usine sort une version civile de ce modèle particulier. Baptisé « Executive » et équipée comme une vraie moto de grand tourisme avec des sacoches rigides, des demi-guidons surélevés et des protection supplémentaires sur le carénage, elle sera essentiellement vendue en Amérique du Nord et en Australie. A part ces équipements, la moto est une RGS normale et il ne fut donc pas rare que ces équipements spécifiques d’Executive furent montés sur des RGS classiques. L’ajout d’un autocollant identifiant sur le cadre par l’importateur USA de l’époque rajoute à la confusion et le nombre précis d’Executive ayant été produites à l’usine reste inconnu.   La RGS Executive, version civile dérivée d’une commande du gouvernement Syrien. Peu de temps après, soucieuse de proposer une version plus affûtée, l’usine sort la RGS Corsa. D’allure extérieure très proche de la RGS normale, son moteur bénéficiait toutefois d’améliorations sensibles, similaire aux développements dont avait bénéficié la Jota dès 1976: Pistons haute compression, grosses soupapes (40,5/34,5) et conduits d’admission retravaillés lui permettaient une puissance de 95 cv. Le freinage était aussi en amélioration grâce à des disques AV flottants, toujours de diamètre 280mm.   La RGS Corsa, version sportive de la RGS, avec un moteur très convaincant. Parallèlement Laverda sort une version compétition basé sur la RGS. Bien plus qu’une extrapolation de la Corsa, c’est une machine dont la plupart des pièces sont nouvelles, tout ou presque étant retravaillé au niveau du moteur et du châssis. Cette machine utilisera des arbres à cames spéciaux baptisés P1 qui furent ensuite proposés en option pour les machines routières. Engagée en épreuve TTF1, cette moto obtiendra des résultats honorables aux mains de pilotes tels que V. Ferrari et R. Balbi en Italie, Martin Hone en Australie et Jean-Pierre Haemish en France, malgré un poids toujours trop élevé et une architecture ne favorisant pas l’agilité.   Romolo Balbi et sa RGS TT1 à Misano, en attente du contrôle technique.   Deux moteurs de rechange de TT1. En 1985, alors que Massimo Laverda doit quitter l’entreprise pour raisons de santé, apparaît l’ultime version de la Laverda 1000 à 3 cylindres, la SFC 1000. Inspirée et voulue par l’importateur Allemand, elle fut conçue majoritairement en Allemagne. Le principe était de concevoir une extrapolation de la Corsa pour une utlisation plus sportive. Le but était donc de supprimer les équipements de confort superflus ou ceux qui sont trop typés grand tourisme, d’installer des suspensions et des freins plus radicaux, de remplacer le coûteux et difficilement réparable Bayflex par de la fibre de verre et de monter des roues plus légères. Cela déboucha sur la suppression des grosses platines de repose-pieds par des commandes reculées typées sport, une fourche AV Marzocchi M1R de 41,7mm de diamètre, deux disques de frein AV flottants Brembo de 300mm et des étriers Brembo série or, un bras oscillant caissonné en aluminium, des roues en alliage de marque OSCAM avec un pneu un peu plus large à l’arrière (130 au lieu de 120) et un ensemble de carrosserie en polyester (sauf le réservoir en acier), dont la partie AR est monocoque. Le design général de cette carrosserie est revu pour mieux cadrer avec l’ambiance sportive de la machine et le réservoir est désormais alimenté en carburant via un bouchon classique en aluminium moleté (un deuxième bouchon identique servant à la mise à l’air libre. Le gros compteur automobile de la RGS et de la Corsa disparaît au profit d’un ensemble sport avec compteur Veglia à fond blanc, dont le compte-tours est à commande mécanique (en conséquence de quoi le couvre-culasse est différent de la RGS). Le moteur reste strictement identique à celui de la Corsa, donc avec une puissance de 95cv, pouvant être portée à presque 100cv grâce à un kit optionnel dit « sport » incluant un échappement Termignoni 3 en 1 (qui favorisera la puissance au détriment du couple à mi-régime), des arbres à cames P1 et des réglages de carburation différents.   Le prototype de la SFC 1000, photographié en Allemagne en 1985. La roue AV de 16″ et l’échappement spécial ne seront pas reconduits sur le modèle définitif.   La version définitive de la SFC 1000   Le cockpit avec son tableau de bord spécifique. La SFC 1000 sera produite jusqu’en 1988 (les derniers modèles étant commercialisés début 1989) et constituera la dernière Laverda triple jamais produite.
En 1987, l’importateur Allemand, toujours lui, crée une version spéciale de la SFC 1000, appelée SFC 1000 Classic, proposée en noir (quelques derniers modèles de fin 1988 furent proposés en rouge, mais ce furent des exceptions) et avec des roues à rayons.   La SFC 1000 Classic avec ses roues à rayons et sa livrée noire. La SFC 1000 sera un modèle sans souci majeur mais elle subira les aléas de la fin de production de l’usine Laverda, alors en grande difficulté financière.
La coque AR avait tendance à se craqueler au début et l’usine changea la forme de la coque afin de la rendre plus résistante.   L’ancienne coque AR à gauche, la nouvelle (renforcée) à droite. Par ailleurs, à la fin de 1988, alors que l’usine n’avait plus de stock et qu’elle finissait de monter quelques exemplaires pour des derniers clients, alors aussi que les fournisseurs faisaient valoir des ruptures de stock, il fut monté sur 4 à 5 SFC 1000 des blocs compteurs de type Jota 120 et RGA en remplacement des compteurs Veglia.   Montage spécial et exceptionnel d’un bloc compteur de Jota 120 sur quelques dernières SFC 1000 en raison des ruptures de stock. L’usine vivait alors ses dernières heures et les toutes dernières SFC 1000 furent ainsi terminées laborieusement. Un certain nombre d’entre elles n’ont jamais été utilisées, laissées en caisse à but de collection pure, certains estimant que la SFC 1000 était la dernière vraie superbike de l’âge d’or de la moto.    

Production des 1000 120°: Année Production (données off. usine 19 Juin 1991) Production (est. Laverdamania) Obs. 1982 Jota 120 200 400 1982 RGS 80 560 1983 620 650 1984 590 550 + 80 à 100 hors numérotation normale 1985 370 260 1986 300 220 1987 230 200 1988/89 60 110 Total 2451 + 80 à 100 hors numérotation normale <<< Retour Menu