Avertissement au lecteur: Les renseignements qui sont donnés ci-dessous concernent les différents types de 1000 et 1200 Laverda dans leur globalité. L’usine utilisait toutefois de façon occasionnelle mais assez récurrente des pièces différentes dans une même série notamment en fonction des aléas d’approvisionnement de la part des sous-traitants. Il n’est donc pas rare que des motos d’une série ultérieure aient été équipées d’éléments moteur ou chassis d’une série plus ancienne, ou que deux motos d’une même série soient légèrement différentes, cela n’étant en aucun cas une preuve de non originalité du modèle.

Photos soumises à copyright (Usine Laverda, Famille Laverda, G. Sperotto, JL Olive, reproduction interdite sans autorisation des propriétaires des droits)

1974

Comme nous l’avons vu, le début de production fut difficile, retardé par les délais d’ouverture de la nouvelle usine et de mise au point des outils de production. Il n’y avait tout simplement pas la place à l’intérieur de l’ancienne usine (déjà totalement occupée par la 750) de produire la nouvelle 3 cylindres et sans outils de production, sa construction ne pouvait être faite que de façon artisanale donc au compte-gouttes, ce qui fut effectivement le cas des 200 machines de 1972.

La photo ci-dessous montre l’exiguité des locaux en 1972, ces premières 1000cc alignées font partie des 200 premières avec les freins à tambours, prêtes à être livrées aux tous premiers clients.

Manifestement l’ancienne usine ne permettait pas de mettre la 1000 en production en 1972 et début 1973.

Comme nous l’avons vu, le Directeur technique Luciano Zen travaillait intensivement pour moderniser la machine et prévoir sa production en grande série.

Dès que la nouvelle usine fut ouverte en 1973, il fallut encore le temps de l’aménager, ce ne fut donc que vers le mois de Mai que le réel démarrage de la production eut lieu, sur les chapeaux de roue! Il fallut en effet non seulement installer et maîtriser les outils, mais aussi rattraper le retard pour satisfaire la demande, notamment en proposant une machine enfin aboutie, moderne et performante.
Tranchant radicalement avec le concept de la 1000 de 1971/72, machine au moteur exceptionnel mais à l’équipement perfectible, la 1000 3C version 1974 devient une moto homogène dotée d’emblée d’équipements de premier choix dont une très efficace fourche Ceriani de 38mm de diamètre et des freins à disques AV signés Brembo, une référence. Les comodos sont désormais d’origine Japonaise et le moteur reçoit progressivement durant ce millésime quelques améliorations: Renforcement des guides de soupapes et montage de joints à l’admission, modification du guidage des poussoirs, changement de type de roulement gauche de vilebrequin, modification de l’embrayage, modification de l’allumage, montage d’un palonnier pour les carburateurs, montage de pipes d’admission différentes et par conséquent d’une culasse modifiée. En fin d’année, un radiateur d’huile est monté, le carter est modifié une première fois.

L’esthétique évolue également avec un phare AV plus petit (180mm), une selle plus gracieuse que le type 750 SF antérieur et un guidon multiposition, réglé d’origine façon bracelets qui renforce l’allure sportive de la 3C.

La 1000 devient instantanément le symbole de la superbike à l’Italienne, racée, élégante et performante, bénéficiant de plus d’une excellente stabilité et tenue de route, aussi mythique dans les esprits que pouvaient l’être la Countach chez Lamborghini à la même époque, et la comparaison ne s’arrêta pas là.

Deux critères en compromirent toutefois le succès, le délai de plus de 2 ans avant la commercialisation d’un modèle abouti (entre temps, les clients potentiels découragés s’étaient tourné vers les modèles Japonais dont le développement allait bon train) et son prix, très elevé par rapport à la concurrence du fait de la conjoncture (changement d’usine, délai nécessaire pour les retours d’investissement).

L’image particulière de la Laverda 1000 lui permit cependant d’être vendue à près de 1500 exemplaires en version 1974 (donc fin 1973 et en 1974).

Question compétition, Luciano Zen travaille de façon beaucoup plus intensive qu’en 1972 et concocte une machine de course nouvelle, dont le moteur est copieusement retravaillé. En montant des pistons haute compression, des arbres à cames différents (levée et duration) baptisés 4C, un échappement 3 en 1 spécifique et d’autres améliorations, la puissance passe à 92/95 cv à 7800 T/M. Le carénage abandonne le style 750 SFC pour un système plus enveloppant afin d’améliorer la protection des pilotes lors des longues courses d’endurance. Le chassis bénéficie de plusieurs améliorations (renforcement, modification partie AR du cadre, inclinaison des amortisseurs) mais reste basé strictement sur la machine de série.

Cette moto fut engagée aux 24 H de Barcelone où elle termina 3ème, aux 400 miles de Truxton (4ème) et au Bol d’Or où son excellent début de course fut compromis par une lourde de chute à la 6ème heure. la moto put être réparée après un long arrêt au stand et termina 13ème aux mains de G. Fougeray.

La machine de course de 1974. Sa préparation moteur reste une référence près de 40 ans plus tard.

Le potentiel de la 1000 Laverda en course intéressa bon nombre d’écuries et de pilotes privés dans le monde et on verra des initiatives un peu partout, Autriche, Italie, USA et en Angleterre où naîtrat la fameuse « Nessie » de Mead and Tomkinson, concentré de technologies nouvelles monté autour du moteur Laverda.

1975

Même si le radiateur d’huile a été monté en 1974 au n° de série 1806, cet équipement identifiera le millésime 1975 (qui commença au n° 2183). Ce ne sera pourtant pas la seule modification pour cette année-là: Modifications importantes sur les carters moteurs, renforcés et doté d’un nouveau circuit de lubrification, nouvelle modification du module d’allumage, changement du répartiteur AV de freinage et des flexibles, nouvel alternateur plus puissant (140W), du faisceau et de la cellule redresseuse, changement du feu AR qui devient rectangulaire, montage souple du garde-boue AV, nouvelle position des avertisseurs sur le té inférieur de fourche.

Le millésime 1975, le radiateur d’huile a fait son apparition fin 1974.

Au n° de série 2483, les carters moteur sont considérablement modifiés, avec des barrettes de renfort supplémentaiers derrière le bloc-cylindre, un conduit d’huile différent au coin avant gauche du moteur et une finition de fonderie globalement meilleure.

L’usine est de plus en plus sollicitée par des clients privés pour l’adaptation des pièces racing de 1974 (ce qui sera appelé le « kit 4C ») sur des machines routières et, de fait, des 3C seront équipées ainsi soit par les concessionnaires, mais le plus souvent par l’usine directement. En Angleterre, l’importateur local (Slater) fera de même mais aura l’idée d’en constituer un coup marketing en baptisant ce type de moto « 3CE » (3C England). La moto ainsi équipée sera redoutable dans les courses locales.

La 1000 3CE, proposée comme une machine de série par l’importateur anglais.

D’autres préparations du même type eurent lieu auprès d’autres importateurs, ce fut le cas de Werner Sulzbacher en Autriche qui, avec l’aide de son ingénieur/pilote Franz Laimboëck, remporta le Championnat National.

Laverda remporte le championnat production Autrichien en 1975, exploit qu’il rééditera l’année suivante.

Mais la principale innovation de 1975 concernera sans doute le développement de la 1000 de course: La machine de 1974 avait un bon potentiel moteur (la préparation de 1974 reste d’ailleurs encore une référence pour les triples de Breganze) mais elle restait relativement lourde. Luciano Zen conçut alors un cadre périmétrique en acier au chrome-molybdène, baptisé « spaceframe » et ne pesant que 13,5 kg. Ce cadre avait l’avantage aussi d’être très rigide, assurant une tenue de route efficace, la Laverda étant alors souvent la machine la plus rapide en course aux endroits les compliqués pour les chassis et les suspensions, comme le virage du Chemin aux Boeufs au Mans.

Le prototype de la spaceframe utilisait un échappement 3 en 3, avec deux échappements d’un côté et 1 de l’autre, mais on revint très rapidement au 3 en 1.

Question moteur, Luciano Zen partit de la base du moteur de 1974, adoptant juste quelques modifications techniques suivant les circuits, comme par exemple de nouveaux arbres à cames très exclusifs (baptisés 7C) pour les pistes les plus rapides. En version développement maxi, la puissance montait à un peu plus de 100 cv (101 cv à 8000 T/M). Pour contenir cette puissance, la transmission primaire est maintenant composée d’une chaîne quadruplex et une chaîne duplex pour la secondaire.

La Spaceframe obtint des résultats remarquables pendant la saison 1975 avec une 2ème et 2ème place aux 24 H de Spa Francorchamps, 3ème aux 1000 km de Mugello et elle occupera longtemps la 2ème place aux 24H de Barcelone avant d’être victime d’un accrochage et de finir finalement (après une longue fréparation) en 6ème position aux mains de Georges Fougeray.

Au Bol d’Or, Luciano Zen testa une spaceframe avec un moteur non plus calé à 180° mais classiquement à 120° après avoir monté des roulements de vilebrequin d’un nouveau type et plus résistants. Cette moto fut pilotée par Georges Fougeray et Marco Lucchinelli mais fut une déception au niveau moteur. Par ailleurs, après un pb de joint de culasse et une crevaison, les vibrations causées par le calage à 120° créa une multitude de petites pannes qui finirent par trop retarder la machine et elle fut retirée volontairement. La 2ème moto (Gallina/Cereghini), calée à 180°, tourna comme une horloge jusqu’à la 12ème heure où son allumage rendit l’âme et le retard dû à la poussette sur quasiment tout le parcours devint insurmontable et on retira aussi la 2ème machine de la course.
1975 sera la dernière année de développement de la 1000 de course, Laverda visant maintenant une machine beaucoup plus radicale qui sera la 1000 V6 prévue pour 1978.

Bol d’Or 1975. La n° 45 était équipée d’un moteur calé à 120°.

1976

La 1000 va bénéficier de changements importants en 1976. En adoptant des roues en alliage (à bâtons) et un dosseret de selle, la 3C devient la 3CL qui dispose d’un design beaucoup plus moderne. En cours d’année, la culasse est totalement refondue et adopte désormais des chambres de combustion tout aluminium (calottes fonte auparavant). En Franc eet en Suisse, pour respecter les nouvelles normes de bruit, la 3CL reçoit des arbres à cames assagis (A12), un boîtier de filtre à air plus étouffé, des échappements plus silencieux, le moteur perd près de 10cv…

La 1000 3CL avec ses nouvelles roues en alliage et son dosseret de selle.
Pour entendre le son de la 1000 180°

En Angleterre par contre, l’importateur anglais souhaite proposer à sa clientèle un modèle sportif utilisant comme la 3CE de 1975 les pièces racing usine. Il parvient à convaincre Massimo Laverda et propose le nom d’une danse espagnole à 3 temps (Jota) pour ce nouveau modèle. L’usine fournit les motos équipées des pièces spéciales et l’importateur apporte l’expérience d’un spécialiste anglais des échappements pour un système spécifique. La Laverda Jota est née, disponible en gris métal, et elle devient rapidement une moto mythique, d’une part parce que c’est désormais la moto de série la plus rapide au monde (+ de 140 miles par heure) et d’autre part parce qu’en 1976, mais aussi en 77, 78 et 80, elle remportera le championnat de production anglais (Avon Production Championship) devant toutes les motos concurrentes, surtout Japonaises.

1977

1977 sera l’année de fin de production de la 3C. Même si elle continuait à être distribuée, les clients préféraient la 3CL et les ventes de 3C devinrent confidentielles.
La 3CL poursuit sa carrière sans grand chengement par rapport au modèle de 1976, mais la Jota prend un véritable essor en Angleterre (elle y est proposée alors en or métal) où elle remporte le championnat production pour la 2ème fois consécutive.

Une série spéciale de 3CL, élaborée par l’importateur anglais, est envoyée aux USA avec un système de renvoi du sélecteur à gauche et des réglages moteur permettant de passer les normes antipollution. Ce modèle appelé « Jarama » se vendra mal (son moteur était considérablement dégonflé par rapport à la Jota), bon nombre de Jaramas seront ramenées en Angleterre où elles seront vendues 1000 LS de moins que la 3CL. Cette fois-ci la vente sera un succès, les clients voyant ainsi une belle opportunité d’acheter à bas prix une machine qui pourra alors très facilement devenir une Jota en y adaptant els pièces racing.

La Jarama, initialement destinée au marché américain, ici en version de pré-série avec le sélecteur toujours à droite.

Mais 1977 sera aussi l’année de sortie d’un nouveau triple Laverda, le 1200, présentée au salon de Milan. Très proche de la 1000 3CL, son moteur est équipé de 3 pistons de 80mm (au lieu de 75 pour la 1000), faisant ainsi passer la cylindrée à 1116cc. L’usine en fera avant tout une machine de tourisme, bourrée de couple et plus docile que la 1000. Le cadre est identique à la 1000 à l’exception de la position des ancrages supérieurs d’amortisseurs AR et d’une fourche Marzocchi 38 (à la suite d’une incapacité de Ceriani -qui est en difficulté-de staisfaire la demande), solutions qui seront adoptées également sur la 1000 après que celle-ci ait un cadre transitoire qui avaient les deux types d’ancrage des amortisseurs, inclinés ou plus verticaux.

la 1200 est présentée au salon de Milan 1977

1978

Alors que la 3CL poursuit sa commercialisation, toujours sans grande modification à part la fourche Marzocchi et les amortisseurs AR inclinés, la 1200 est commercialisée dès le début de 1978.
L’importateur anglais tentera de la faire préparer comme la Jota avec les éléments racing de l’usine, ce qui donnera la « Mirage », mais la culasse prévue pour la 1000 aura du mal à compenser le gros alésage. Si la Mirage sera très coupleuse, elle n’aura ni la vivacité ni même les performances de la Jota.

1979 et 1980

Toujours en prise avec les normes d’homologation, notamment au niveau du bruit, l’usine prendra en 1979 une décision lourde de conséquences. Un fabricant de roulements lui proposera un nouveau modèle sensé réduire les bruits de fonctionnement, l’usine les montera en tant que roulements de vilebrequin. Toujours pour réduire le bruit, on montera aussi de nouveaux ressorts de soupapes. Tant les nouveaux roulements que les ressorts poseront problème très rapidement, les deux cassant avec une facilité déconcertante. L’usine réagira rapidement, fera connaître la liste des machines concernées (env. mille 1000 et 1200), enverra des techniciens auprès des importateurs pour aider à remplacer sous garantie les roulements et ressorts défectueux, mais cette affaire fera énormément de tort à l’entreprise.


Un roulement faisant partie de la mauvaise série de 1979 et 80.

La Jota continuera cependant à briller, remportant les championnats production en Angleterre et en Suède. En cours d’année, elle est proposée avec un tête de fourche.

La Jota engagée par l’importateur Suédois Lelles, victorieuse du championnat production.

A noter la sortie en 1979 de la version 1200 « anniversary 30th », variante de la 1200 avec une décoration générale noir et or, produite à 200 exemplaires, célébrant le 30ème anniversaire de la marque. Chaque client de la 30th se verra remettre une lettre personnelle de Massimo Laverda et une médaille. Cette version sera rapidement vendue avec succès, mais sera malheureusement touchée par les problèmes de mauvais roulements de vilebrequin.

Le modèle Anniversary 30th.

1981

Suite à un profond travail de refonte de la 1000 à la fin de 1980, l’usine sort une ultime version de sa 1000 Jota (fin de la production de la 3CL) et de sa 1200 à 180°, au n° de série 7237 pour les 1000 et 3063 pour les 1200 . L’allumage passe à gauche, l’alternateur gagne en puissance (250 W), la culasse sont refondues (le sélecteur passe à gauche) ainsi que la transmission primaire et l’embrayage (pour diminuer le bruit). Un nouveau tête de fourche est monté et la moto est proposée seulement en orange cadre gris métal. Les versions françaises et suisses seront équipées du moteur dégonflé avec les arbres à cames A12 et pistons plats, ce qui était une hérésie dans le milieu motocycliste du début des années 80.

la Jota de 1981, dernière 1000cc calée à 180°

La 1200 bénéficie de ces modifications et sort en 1981 sous la 1200 TS, version très grand tourisme, dont le marché principal sera l’Espagne à la suite de mesures protectionnistes rendant très difficile l’importation d’une moto Japonaise. Cette TS sera la dernière 1200 Laverda.

La 1200 TS, dernière 1200.

Cette nouvelle version entraînera une spectaculaire (mais temporaire) augmentation des ventes, surtout après l’épisode malheureux de 1979.

Courant 1981, l’usine travaille également sur une version 120° du moteur à 3 cylindres. Il s’agit de rendre la moto plus docile alors que le caractère exclusif de la 180° a certes ses adeptes mais est de plus en plus singulier dans l’univers moto plus aseptisé des années 80.

Fin 1981, ce nouveau moteur apparaît et équipera la Jota 120, première de la lignée des Laverda 1000 120° qui font l’objet du prochain chapitre.

Production 1000cc

AnnéeProduction (offi. 19/06/1991)Production (est. Laverdamania)Observations
1972/73670580Env. 240 3C/1. Le modèle 1974 est produit a/c d’Août 1973.
1974780820
1975830700
197611501350
19771000700
1978860350
1979750450
1980650120Première série 2: n° 7237
1981490900
1982200260Dernière 180°: n° 8159
1983120/
180° série16236 (+au moins un modèle hors numérotation normale)
180° série 2921
Total 180°7157

Production 1200cc

AnnéeProduction (est. Laverdamania)Observations
1977210
1978640
1979500 (+ 50 à 80 hors numérotation normale)
1980450Première série 2: n° 3063
1981500
1982300
Total2600(+ 50 à 80 hors numérotation normale)